Petite leçon d’humanité

23 octobre 2012

Chroniques

– Le penseur amoureux –

ApollonUn matin, en déjeunant, j’ai suivi avec intérêt l’interview d’un linguiste qui s’était donné pour mission de « documenter » des langues menacées de disparition. J’ai appris par la même occasion que, parmi les 6 000 langues recensées dans le monde, seulement quelques centaines comportaient un alphabet. Autrement dit, pour toutes les autres, elles disparaissent en même temps que leurs derniers locuteurs.
Ce chercheur nous expliquait avec passion qu’une langue nous renseigne sur une culture. Elle se construit au fil du temps en opérant des choix de représentation du monde, souvent en rapport avec le milieu naturel d’abord, puis sociétal ensuite. Un concept simple, comme un lien de parenté ou même la désignation des parties du corps, peut parfois mener à des quiproquos ou des malentendus, tant d’une langue à une autre (surtout lorsqu’elles ne se sont jamais côtoyées) des écarts importants de conceptualisation peuvent freiner la lente progression vers une compréhension commune. « Avec beaucoup d’amour et de bonne volonté, on y peut arriver », soulignait-il cependant.
Il conjecturait que pour comprendre l’humanité dans sa globalité, il faudrait presque pouvoir parler toutes les langues. Il plaisantait d’ailleurs sur le fait, qu’en admettant qu’il soit possible de créer une langue qui serait la synthèse de toutes les autres, « le cerveau humain n’y résisterait pas. »
Vers la fin de son entretien, le journaliste lui posa la question suivante :
« Avez-vous déjà, personnellement, découvert une langue ?
— Ce serait arrogant de ma part de dire cela, parce que ses locuteurs mêmes connaissaient déjà cette langue. »
J’ai compris à cet instant pourquoi j’avais prolongé mon petit-déjeuner d’une bonne vingtaine de minutes. Cette réponse inattendue résumait, mieux qu’un long discours, ce qui m’avait séduit chez ce chercheur anglophone (la deuxième langue parlée dans le monde, soit dit en passant) : une grande humanité, alliée à une belle humilité.
L’autre, quel qu’il soit, et quelque minoritaire qu’il soit dans le concert des nations, mérite respect et attention. Il est un être humain à part entière, qu’il convient toujours d’approcher d’égal à égal.
Une leçon de tolérance et d’ouverture d’esprit qui mettait mon cœur en joie en ce début de journée, alors que le soleil était à peine levé.

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