– Mitch Ditkoff –
(traduit de l’anglais)
Alors que j’avance en âge dans ma huitième décennie, j’arrive à un curieux carrefour : l’intersection des QUI et des QUOI, une de ces étranges intersections loin de toute agitation. Assis sur le siège avant de ma Honda en leasing depuis 2015, essayant de me rappeler comment j’ai gagné mes cinq derniers dollars, je me pose la question qui en vaut cent mille : « Ai-je accompli quelque chose d’important ces 70 dernières années ? »
C’est un dilemme vieux comme le monde, une sorte de rite de passage – le moment où un homme fait le bilan de sa vie et réalise que son « portefeuille » d’accomplissements n’est pas aussi épais que ce qu’il avait imaginé qu’il serait un jour. Et bien que j’ai toujours ressenti en moi une magnificence époustouflante, il semblerait qu’une grande partie de ce que j’ai exprimé dans cette vie se soit perdu en cours de route – comme dans ce jeu d’enfant du « téléphone » où vous chuchotez quelque chose à l’oreille d’une personne, qui le transmet à une autre et ainsi de suite à la ronde jusqu’à ce que quelqu’un vous crache à l’oreille un méli-mélo de mots très éloigné de ce qu’ils étaient au départ.
71 ans et tout juste 2 mois – plus concentré sur les papillons que je sens dans mon estomac que sur ceux qui annoncent le printemps – me voilà en train de regarder dans deux directions à la fois. L’une vers l’avant, essayant d’entrevoir quelque chose du temps qu’il me reste. L’autre en arrière, essayant de comprendre les courants qui m’ont porté jusqu’à cet instant précis.
Ce qui me revient du passé, c’est mon père rentrant d’une longue journée de travail, épuisé, perturbé. Ma mère l’accueille avec un Martini et l’empressement d’une femme au foyer des années 50. Moi, je l’approche timidement pour recevoir un câlin rapide et l’entendre me poser la question rituelle : « Qu’as-tu ACCOMPLI aujourd’hui ? » Une sorte de zen juif qui m’a toujours donné ce sentiment de n’en avoir jamais fait assez. Oui, j’avais joué au « roof-ball », au « punching-ball », au « kick-ball » et au « stick-ball ». Oui, j’avais joué avec mon chien et lu les textes au dos de toutes mes cartes de baseball. Mais avais-je accompli quelque chose ? Avais-je fait quelque chose qui comptait vraiment ?
Plus j’ai vieilli, plus le mantra de mon père s’est incrusté dans mon esprit, comme une sorte de parasite microscopique que quelqu’un pourrait attraper lors d’un séjour dans un pays du tiers monde. Et même si je ne pouvais pas le voir, je pouvais le sentir : irradiant vers l’extérieur, me poussant à faire, faire, faire… à créer quelque chose que je puisse considérer comme significatif, quelque chose de suffisamment important pour que je puisse le signer de mon nom une bonne fois pour toutes.
Mes amis, je pense qu’il est temps pour moi (et peut-être vous aussi) de répondre à la question que mon père avait l’habitude de poser. Vous êtes prêt ? C’EST LA MAUVAISE QUESTION… Bien que l’intention ne soit pas mauvaise, la question est mal posée. « Le fou à beau ne jamais s’arrêter, dit Lao Tseu, il lui reste toujours quelque chose à faire. Le sage lui ne fait rien, pourtant rien ne reste inachevé. »
Capito ? Au bout du compte, il n’y a rien à faire ! Rien à prouver ! Zéro. Rien. Nada. Tant que nous ne saurons vivre pleinement ce moment présent où tout est déjà parfait, notre vie ne sera jamais qu’une tentative planifiée, névrotique, obsessionnelle, d’accomplir quelque chose : une carotte qui s’agite devant nous, mue par une hallucination collective qui nous fait penser que nous n’en avons jamais vraiment fait assez.
Soyons franc. Il n’y a absolument rien que nous puissions faire qui puisse être suffisant par rapport à ce que nous aimerions qui soit. C’est peut-être la raison pour laquelle Van Gogh s’est coupé l’oreille. C’est peut-être la raison pour laquelle un nombre incalculable d’âmes créatives boivent trop et pensent trop. Voyez-vous, l’obsession de prouver sa valeur est un jeu perdu d’avance. Premièrement, le soi n’a pas besoin d’être prouvé. Il est déjà complet tel qu’il est. Et deuxièmement, il n’y a pas de deuxièmement.
C’EST le moment. LA. MAINTENANT. ICI. C’est comme ça. En fin de compte, ce que nous faisons est beaucoup moins important que la façon dont nous le faisons. Quand cette compréhension se fait jour, la joie remplace la lutte, la gratitude remplace la plainte, et tout vient à nous à son propre rythme, doucement.
15 février 2019 à 09:42
Bon…je me plains encore mais j’y crois moins qu’à la gratitude qui explose dans mon coeur. Merci pour ces écrits, Monsieur Ditkoff
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