Suivez le guide

30 décembre 2013

Témoignages

– Pierre Boquié –

Photo de Roland Bec

Photo de Roland Bec

Il y a quelques années, mon amie et moi avions pris l’habitude d’aller randonner deux fois l’an, loin de l’agitation citadine, dans les montagnes cévenoles, quelque part dans un triangle compris entre Mende, Alès et Millau.
Munis de fiches descriptives, nous empruntions des itinéraires de randonnée généralement bien balisés et ayant l’avantage de former une boucle. Néanmoins, malgré l’aide de ces fiches, il pouvait nous arriver d’hésiter, de manquer une bifurcation, ou même de rebrousser chemin. En ces lieux inconnus et déserts, le retour à notre point de départ dépendait totalement de l’exactitude des fiches, du bon état du balisage… et de notre capacité à bien interpréter les indications.
Parmi les anecdotes savoureuses que je garde en mémoire, il y eut l’épisode de « la trace herbeuse » dont nous rions encore. Nous avions serpenté sur plusieurs kilomètres pour atteindre un sommet, lorsqu’arrivés sur la crête, le sentier que nous suivions s’évanouit sous nos pas. Aucun balisage jaune en vue et notre fiche indiquait seulement quelque chose comme « suivez la trace herbeuse qui descend sur la droite pour rejoindre un sentier en contrebas ».
Après quelques minutes de discussion pour déterminer dans le paysage ce qui pouvait ressembler à un vague sentier, et nous entamions une descente à pic. Visiblement nous n’avions pas su interpréter les signes car notre course se termina dans un inextricable entrelacs de redoutables buissons d’épineux qui nous griffaient jusqu’au visage. Nous en sortîmes mi furieux, mi hilares. Nous avions encore quelques progrès à faire en terme d’orientation.
Nous fîmes un jour la rencontre d’un garde forestier avec lequel nous nous liâmes d’amitié. Désireux de profiter de sa connaissance précieuse de la montagne et de ses trésors, nous acceptâmes avec joie les propositions qu’il nous fit à quelques occasions de le suivre hors des sentiers battus. Il était arrivé depuis peu en Cévennes, mais savait déjà se diriger sans hésitation et sans carte à travers ce paysage torturé, compensant sa connaissance récente de la région par un sens de l’orientation affuté au fil des ans.
Lorsqu’il nous proposa de venir découvrir la région en hiver, nous n’hésitâmes pas longtemps avant de saisir l’occasion de faire une expérience que nous n’aurions peut-être pas tentée seuls. Le climat est rude à cette saison.
Je conserve notamment le souvenir d’une excursion mémorable que nous fîmes sous la neige, sur les pentes du Mont Lozère. En hiver, ce sommet est interdit aux touristes. Au volant de sa fourgonnette de fonction, notre ami nous emmena aussi loin qu’il put, avant d’abandonner son véhicule sur le bas-côté. Nous entamâmes notre marche sur un tapis immaculé qui masquait pratiquement tout le relief. Nos bottes s’enfonçaient dans quinze à vingt bons centimètres de poudreuses, le vent et la neige nous fouettait le visage et nous ne distinguions rien à plus d’un mètre cinquante.
Mais nous étions confiants. Nous savions que notre guide n’aurait pas pris de risques inconsidérés. Ce qui pour nous paraissait presqu’un exploit, faisait partie de sa pratique de randonneur aguerri. Aucune fanfaronnerie de sa part. Juste la joie simple de nous faire partager sa passion de la montagne et de nous offrir une expérience inoubliable. Nous n’avions qu’à suivre le guide et profiter des sensations qui s’offraient à nous.

Un conte de Jean Giono, mis en images par Frederic Back, récemment disparu

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Rétroliens/Pings

  1. Dans la Vallée Borgne | Autour du message de Prem Rawat - 3 mars 2019

    […] Une autre histoire de randonnée dans les Cévennes […]

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