L’insurrection du cœur

18 août 2012

Témoignages

« Aprendiz 5 » – Aquarelle de Sonia Madruga

– Claudia Moreira –

Je me souviens encore de ce jour où la radio a annoncé l’instauration du AI-5 *. Mon jeune âge ne me permettait pas à l’époque de comprendre l’importance de cette information. Mais l’expression de désarroi que j’ai surprise sur les visages de mes parents ne m’a pas échappé. Elle est restée gravée dans ma mémoire, jusqu’à ce que, des années plus tard, j’en comprenne toute la signification.
On était au Brésil, en 1968, et la dictature militaire, en place depuis quatre ans, venait d’instaurer des lois qui supprimaient les droits des citoyens. Un régime politique totalitaire qui dura près de vingt ans et sous lequel j’ai dû grandir.
Avant cela, le peuple espérait encore des hommes politiques qu’ils se placent du côté des plus fragiles et soient exempt de toute malhonnêteté. La dictature avait tout balayé et le nouvel ordre établi n’avait plus de sens. Ne pouvant exprimer librement nos opinions, nous râlions, nous étions méfiants, nous disions « non » à tout. Ces lois imposées arbitrairement nous paraissaient injustes. Alors on était systématiquement contre.
Quelque chose nous poussait à ne pas vouloir obéir. L’obéissance était synonyme de soumission et désobéir dans les actes de la vie quotidienne était l’unique façon de résister, de conserver sa dignité.
Ce processus de rejet était déjà bien ancré en moi, lorsque j’ai entendu parler du message de Prem Rawat pour la première fois. D’emblée, j’ai réagi par un refus immédiat violent, avec la certitude de faire face à un mensonge de plus.
Lorsque des années plus tard, je fus enfin prête à recevoir le cadeau de la Connaissance, ce fut un immense soulagement. Il m’avait fallu du temps pour comprendre que l’enseignement de Prem répondait à une quête que j’ignorais avoir en moi. Je fus très reconnaissante d’avoir été touchée.
Je pense que ce miracle a eu lieu parce qu’à un moment précis j’ai compris que je pouvais suivre mon sentiment, une sorte d’intuition qui allait à l’encontre des convictions ancrées dans mon esprit après toutes ses années de privation de liberté. Je pouvais enfin m’autoriser à ressentir la simple joie d’exister au-delà des injustices sociales. Je comprenais que même le désir de changement, de faire la révolution, d’une société plus juste n’est possible que si l’appréciation de notre existence existe en nous. Reconnaître la vie elle-même est plus puissant que les circonstances que nous sommes amenés à traverser.
Je me souviens m’être confiée à un ami qui avait reçu ce cadeau bien avant moi. Je lui ai fait part de mon bonheur et pour exprimer ce que je ressentais quand je mettais en pratique ce que j’avais appris, je lui ai dit simplement : « Tu sais, je me sens tellement légère… C’est la première fois dans ma vie que je n’ai qu’une seule envie : obéir. »
C’était un sentiment nouveau, une véritable insurrection du cœur, une révolution rien que pour moi.

* Rédigée le 13 décembre 1968, l’AI-5 (Acte Institutionnel n° 5 ou Ato Institucional Nº5 en portugais) est le cinquième d’une série de décrets promulgués par la dictature brésilienne, après le coup d’État de 1964. L’AI-5 suspendait la Constitution de 1946, dissolvait le Congrès et supprimait les libertés individuelles, autorisant les arrestations arbitraires par l’armée et la police. Il inaugurait une période considérée comme l’une des plus sombres de l’histoire du Brésil.

Galerie de photos des aquarelles de Sonia Madruga, artiste brésilienne

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un commentaire le “L’insurrection du cœur”

  1. Myriam Stalder dit :

    Merci pour ce témoignage touchant.
    Myriam

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