– Le penseur amoureux –
Ce matin, en déjeunant, après avoir cherché quelques temps sur la bande FM un sujet qui pouvait m’intéresser, je suis tombé sur un reportage sur les enfants métis. Il y était question de quête d’identité, de racines à préserver, d’image de soi dans un monde où les apparences comptent beaucoup.
J’écoutais d’une oreille distraite, tout en beurrant mes tartines. Je me rappelais la campagne électorale américaine, lorsque Barack Obama s’était présenté à la Présidence des États-Unis. Combien la grande question tournait autour de ses origines : l’Amérique allait-elle choisir, pour la première fois, un « homme de couleur » à la fonction suprême ? Que des petites voix s’étaient élevées pour faire observer qu’il n’était pas un « homme de couleur », puisse qu’issu d’un mariage mixte entre un père noir et une mère blanche. Puis à reconsidérer cette appellation même « d’homme de couleur », le noir étant justement, en physique de la lumière, l’absence de couleur, alors que le blanc en est la réunion…
Je me rappelais aussi combien, une fois l’événement passé (la victoire d’un homme… pas tout à fait blanc), on avait vite tourné cette page, pour enfin s’intéresser au programme du nouveau Président.
Et puis, et puis… je suis revenu aux voix qui sortaient du poste, lorsqu’un reporter s’est adressé à un jeune garçon pour lui poser cette question :
« Ils sont de quelle couleur, tes parents ?
— Ma mère est noire et mon père est blanc.
— Et toi tu es de quelle couleur ? »
L’enfant a pris le temps de considérer la question, puis a lancé, fier de lui :
« Je suis les deux. »
Bingo ! Fantastique réponse qu’un adulte n’aurait jamais trouvée. Une réponse qui sautait allègrement par dessus tous les préjugés, toutes ces idées qui tournent et tournent dans les têtes, sans jamais s’arrêter… et nous empêchent de se poser quelque part. Une réponse qui mettait fin à la discussion, à tel point que j’ai éteint le poste, pour savourer dans le silence de ma cuisine, cette parole de sagesse. Elle me renvoyait directement à ma propre enfance, lorsque j’étais pris dans le dilemme de ma compréhension innée et de toutes ces idées qui ne cadraient pas dans le paysage.
Il est si beau ce paysage, pourvu qu’on ne cherche pas à l’étiqueter, comme on colle des panneaux publicitaires au bord des routes.
12 juin 2012
Chroniques