C’était mon sixième anniversaire et l’on m’avait offert une très jolie robe rose et blanche, qui s’étalait comme les pétales d’une fleur lorsque je tournoyais sur moi-même.
En ce mois de juin ensoleillé, étaient réunis au jardin, pour y faire la fête, tous ceux que j’aimais : parents, grands-parents, oncles et tantes, cousins et cousines, plus quelques amis d’école.
Un magnifique buffet avait été dressé près de la véranda entourée d’hortensias violets, où trônait un énorme gâteau avec six bougies. Les grandes personnes étaient massées autour du buffet, verres de champagne et petits fours à la main, pendant que les enfants s’affairaient autour des jeux que l’on avait installés exprès pour eux.
Je m’étais mise un peu à l’écart pour faire tourbillonner ma robe à cœur joie. Je tournais, tournoyais, tourbillonnais tant et plus, un peu comme l’aurait fait un derviche tourneur, lorsque pris par ce vertige j’ai commencé à ressentir une forte et délicieuse présence qui émanait de mon for intérieur. Elle dansait aussi, douce comme une colombe, claire et pure comme une fontaine de lumière. Jaillissaient d’elle une joie immense, une clarté brillante, gracieuse et subtile.
Quand je me suis arrêtée pour aller souffler mes bougies, j’ai regardé mes parents et mes grands-parents que j’aimais tant, et j’ai compris que cette sensation leur était étrangère. J’ai pensé à ce moment-là que je ne voulais pas devenir comme eux et perdre cette belle énergie de lumière et de joie qui dansait en moi et me rendait tellement heureuse. C’était un dilemme, car je voyais ces êtres chéris que je respectais et admirais au point de vouloir leur ressembler, alors que dans le même temps, je ne voulais perdre à aucun prix ma belle joie et ma lumière.
Bien sûr, comme tout le monde, j’ai fini par les perdre. Plus de tourbillons, plus d’insouciance, plus de rêves d’enfant. J’avais l’âge de raison. Alors en grandissant, je me suis demandée s’il ne me manquait pas finalement quelque chose.
C’était juste un oubli, un éloignement, mais comment le savoir ? Il me fallait juste rencontrer quelqu’un qui me rappelle comment retrouver cette sensation qui ne m’avait jamais quittée et qui m’attendait silencieuse et patiente dans mon for intérieur.
L’âge de raison
9 avril 2012
21 avril 2012 à 08:25
Nos souvenirs d’enfance sont un peu comme ceux d’un Eden perdu. Ravivons la mémoire du cœur et notre vie soudain reprend tout son éclat. Merci pour ce joli conte.
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