Dans la Vallée Borgne

– Pierre Boquié –

Elle aura bien lieu la rando ultime, alors marche et ne te retourne pas. Déjà il est tard, le soleil s’est levé. Lance-toi vers le sommet, d’un pas léger, d’un seul élan. Fuis tes idées noires, elles te suivent comme ton ombre, mais n’ont pas le pouvoir de t’empêcher d’avancer. La montagne se dresse devant toi, appel et obstacle. Tente ta chance ! À l’assaut de ses pentes, tu devras bien t’incliner, car elle ne bronchera pas, elle, mais quelle victoire sur toi-même ! Savoure-la.

Ça y est, le soleil est haut dans le ciel, les cigales entament leur chant et ton maillot est mouillé. Hâte-toi à l’ombre de la châtaigneraie, là-haut la fournaise t’attend.

De toutes tes contradictions a jailli une étincelle. Réjouis-toi et remercie le ciel de tant de bonté. Ne confonds pas l’insoluble et le soluble, ils ne remplissent pas la même fonction. Fais de l’envie de fuir une occasion de t’élancer. C’est une chance à saisir. Chante !

Tel un géant, ta mémoire enjambe les années enfuies vers tes souvenirs les plus anciens pour s’en attendrir. Mais sais-tu au moins que plus nombreux et plus essentiels, sont ceux qui te sont encore inaccessibles ? N’aies de cesse de t’en approcher afin que le jour des retrouvailles, ta vie entière te semble familière et amicale.

Et toi, joli papillon noir, dis-moi s’il existe des yeux qui voient mieux que les miens ? Et toi, eau vive qui jaillit de la montagne, que m’apprendras-tu des voyages ? Toute cette nature exubérante que t’enseigne-t-elle qui soit bon pour toi-même ? Sauras-tu le comprendre ?

Le parfum d’éternité c’est maintenant. Hume-le tant qu’il est temps. Peu importe la forme que prend ton élan, pourvu qu’il soit juste. Ton cœur te le dira.

Dans la Vallée Borgne, j’ai recouvré la vue !

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